Re: Resident Evil 4 / Biohazard 4
Publié : 07 oct. 2022, 20:37
par Magnum
Il faut bien un début à tout, et ce quatrième volet de la saga principale s'impose comme une révolution dans son gameplay, mais aussi dans le monde vidéoludique. Si on le situe bien entendu dans le contexte de son époque. Étant revenu l'année dernière à cet épisode déterminant pour l'évolution de la série, j'ai pu me délecter derechef de sa jouabilité addictive malgré le poids des ans, et c'est toujours un régal d'y replonger !
S'il est vrai qu'il ne figure pas dans mon Top 3 de mes RE favoris, Resident Evil 4 n'est pas loin derrière. Sa plus grande force étant assurément son gameplay, plutôt novateur pour l'époque, entre ses autres qualités et défauts que je vais décortiquer ici, pour vous livrer mon analyse comme à l'accoutumée.
Se déroulant chronologiquement six ans après les évènements marquants de Raccoon City, Biohazard 4 nous met dans la peau de Leon S. Kennedy, celui qui était autrefois une simple recrue de la police du RPD, officiant désormais en tant qu'agent du gouvernement américain. Rien que ça ! Ainsi donc, c'est une toute nouvelle histoire qui démarre, rompant de manière brusque avec les liaisons des précédents épisodes. La corporation Umbrella n'est plus, mais ses cendres ont laissé derrière une nouvelle menace, créant ainsi un changement drastique tant dans l'évolution de l'histoire principale que dans les mécaniques de jeu. Mais je vais d'abord me pencher sur l'aspect scénaristique, qui est sans nul doute le plus gros défaut à traiter, ainsi que quelques lacunes. Du reste, ce n'est qu'une montée significative en puissance tant le titre s'avère plaisant et jouissif à jouer.
Si l'introduction du jeu nous situe en terrain connu après les derniers évènements de Resident Evil 3 Nemesis et du triste sort de Raccoon City, bien assez tôt, on se rend vite compte que Leon est perdu dans ses pensées quelques instants et a gagné en maturité et en expérience rien qu'au premier coup d'œil. Par rapport à Resident Evil 2, où il était un rookie mais qui savait s'adapter rapidement à différentes situations. En l'espace d'une demi-douzaine d'années, le gonze a pris du galon. Le cadre choisi ici pour l'aventure est l'Europe, plus précisément dans un village reculé d'Espagne, où les Pesetas sont encore de mise dans la région. Ce n'est qu'une fois qu'il foule ce territoire que les choses commence à se gâter. Sa première rencontre avec un des autochtones et le fait que son escorte disparaisse subitement après un accident visiblement provoqué, laisse clairement entendre que quelque chose ne tourne pas rond dans le patelin. De ce que l'on sait et saura durant une longue et première partie de l'aventure, c'est qu'on est à la recherche de la fille du président, Ashley Graham, qui aurait mystérieusement disparu et aurait été aperçue récemment dans ce village hispanique. Sans faire réellement évoluer l'intrigue jusqu'à un certain stade plus ou moins avancé, et encore, le canevas de départ reste principalement identique tout le long. En parallèle, et comme pour pallier à ce vide scénaristique flagrant, il y a comme un certain lore qui se développe et qui ajoute un certain charme à l'ambiance. Las Plagas par exemple, qui s'avèrent être les nouvelles B.O.W de cet épisode et qui constituent une bonne alternative aux précédents virus, parce qu'il s'agit d'un type de parasite ayant pour propriétés de contrôler l'hôte infecté tout en lui laissant ses facultés humaines. On en apprend à ce sujet, même s'il ne s'agit au final que des prémices de l'histoire des plagas, ici abordé brièvement pour la première fois. Des conversations par Codec ont d'ailleurs lieu durant l'intrigue, principalement avec Ingrid Hunnigan, parfois avec d'autres personnages. Un peu à la manière d'un jeu Metal Gear sauf qu'ici, c'est scripté et moins fréquent.
À mesure qu'on avance et même tôt dans l'histoire, on découvre quelques nouveaux personnages. Luis Sera m'a semblé un personnage au potentiel fort intéressant, mais qui malheureusement après quelques brèves rencontres avec Leon, devient expédié. Je trouve qu'il aurait pu avoir sa propre histoire, que ce soit en flashbacks ou mieux, en le jouant partiellement afin d'en apprendre plus sur lui tout en apportant de l'épaisseur à la trame vu le rôle du perso.
Le personnage de Ashley que l'on découvre durant nos pérégrinations dans le village à la nuit tombée, je l'ai trouvé inintéressant et elle m'a semblé introduite que pour contribuer à amplifier les mécaniques de gameplay car il faudra souvent veiller à sa sécurité, sous peine de subir un échec de la mission. Et ce ne sera pas une mince affaire ! Bien sûr, s'imposant déjà comme un jeu moderne pour son temps, RE4 bénéficie de continus infinis vous ramenant au dernier checkpoint du moment que vous répondez oui pour continuer.
Bref, la jeune femme s'avère être un boulet le plus clair du temps, pour la simple et bonne raison qu'elle se fera enlever plusieurs fois, soit parce que c'est scripté ou durant le gameplay et là il faut agir vite pour la récupérer, et il incombera à notre ex-flic blond la tâche de la secourir. À croire qu'elle a le don pour aller au devant des ennuis. Sa voix criarde et aïgue un brin enfantine n'aide pas à s'attacher à elle. Mais encore une fois, son personnage apporte plus au gameplay. Elle sera aussi jouable pendant un court segment du niveau Castle, ajoutant une dimension de vulnérabilité car elle ne peut se défendre, juste fuir et se cacher. J'ai apprécié ce dernier point, ceci dit.
Passons maintenant aux antagonistes. J'ai trouvé qu'ils avaient une certaine classe, tout particulièrement Bitores Mendez et Osmund Saddler pour leur sérieux même si leurs lignes de dialogues ne vont pas chercher bien loin. Ramon Salazar, dans une moindre mesure en raison de son tempérament gamin et sournois mais il reste original et intéressant. J'ai remarqué que c'était à chaque fois que l'on rencontrait un des principaux antagonistes que l'histoire avançait doucement, mais vraiment à pas de loup. On a droit à quelques précisions sur ce qui se trame mais jamais un rebondissement ou une révélation cruciale. Il y a également comme une sorte conspiration entre les méchants qui se déroule en coulisse et que l'on découvre en surface à un stade avancé, dans le dernier tiers du périple. Mais ça reste léger, et ça ne peut s'affranchir de clichés du cinéma déjà vus et revus. Je retiendrais tout de même Krauser, une vieille connaissance de Leon que j'ai perçue comme une sorte de Vegeta face à Songoku à l'heure de l'affronter. Il est d'ailleurs dommage que ce personnage n'ai pas été mis en avant plus que ça. Hormis le fait que c'est lui qui est à l'origine du rapt d'Ashley, qu'il mène un double jeu et qu'il livre des conflits d'intérêts et de rivalités avec Ada Wong, on n'en sait pas plus que ça sur le personnage. L'épisode Operation Javier inclus dans le jeu Resident Evil Darkside Chronicles sorti quelques années après, lèvera le voile sur le personnage, comme pour compenser le passé et la psychologie du personnage absents dans RE4. Autant dire que ça tombe comme un cheveu sur la soupe, mais cela n'enlève rien au charisme du bestiau.
Enfin, il y a Ada Wong qui refait surface et croise le chemin de Leon comme ce fut le cas dans RE2. La belle asiatique opère dans l'ombre et cache bien des secrets en tant qu'espionne. Mais contrairement à RE2 où elle "construisait une relation" avec Leon et où on apprenait à connaître le personnage, ici il n'y a pratiquement aucun signe d'évolution. Elle surveille Leon et veillera sur lui, car il est évident que des sentiments la lient à lui et inversément, mais elle prendra son travail très au sérieux en même temps et au final, on ne la verra pas beaucoup. Le même schéma se reproduira dans RE6, avec ici un rôle plus important pour elle mais qui en définitive ne change pas la trame de fond ni permet de la développer davantage. Elle a le mérite d'être présente et sera même jouable dans son extension afin de dévoiler quelques subtilités. J'y reviendrais plus tard.
Vous l'aurez compris, malgré la brochette intéressante de personnages, le scénario ne sort pas de son carcan de simple histoire détachée par rapport aux RE antérieurs (ni aux RE successeurs plus récents). Il y avait pourtant matière à creuser dans ce casting de toute beauté, mais seulement en surface. On n'en voit que la partie émergée de l'iceberg alors que tout le potentiel est plongé en profondeur. Toutefois, Leon aura une psychologie intéressante et sera même confronté au virus Las Plagas. Ses rencontres fugaces avec Ada ne feront que confirmer ses sentiments à son égard, et réciproquement. Il aura beau rencontrer d'autres charmantes demoiselles durant ses missions, ici en la présence d'Ashley, il aura toujours la tête dans les nuages. Mais ça ne l'empêche pas de garder la tête sur les épaules et d'affronter 1000 dangers tout en faisant de l'humour. Parce qu'il y a un côté décalé dans la mise en scène et dans la façon d'agir de Leon, qui n'aura de cesse de provoquer ses ennemis et tout particulièrement les boss antagonistes. C'est amusant de penser à ça en faisant le parallèle avec Dante de Devil May Cry, personnage mi-humain mi-démon combattant les démons et et les provoquant plus ou moins de la même manière, car Devil May Cry aurait pu être Resident Evil 4 à une époque et son héros aurait pu s'appeler Tony Redgrave. Mais ça, c'est une autre histoire !
Pour le coup, le détachement en comparaison à la personnalité plus sérieuse des personnages des autres épisodes RE détonnent énormément dans ce 4ème opus.
En fait, tout change dans ce RE. L'histoire est survolée et le développement des personnages effleuré, à l'exception tout de même de Leon dans une certaine mesure, auquel on finit naturellement par s'attacher. Il semblerait déjà qu'à l'époque de RE2, Leon fit forte impression, alors il est normal qu'il ait fait son come-back après Code Veronica. D'ailleurs, tout comme ce dernier, RE4 est l'un des plus longs RE à ce jour, se situant facilement entre 15 et 20 heures en mode découverte. Mais contrairement à son prédécesseur pourvu d'un scénario aux petits oignons qui apportait quelque chose de solide, RE4 laisse transparaître plus facilement ses trous et ses vides scénaristiques dans sa longueur.
À quelque chose malheur est bon. En effet, si le récit manque cruellement d'âme et d'épaisseur, on ne peut pas dire la même chose du rythme frénétique du jeu. Et autant dire que, couplé à l'ambiance magistrale du titre, le rythme de l'aventure remplit le cahier des charges. On en oublierait même le scénario tant c'est prenant ! Le rythme est omniprésent, on avance sans temps mort car il y a de la pêche dans la mise en scène et les cinématiques, mais surtout dans les différentes situations que nous confronte le jeu. Il se passe toujours quelque chose. Je ne me suis jamais ennuyé un seul instant, et même encore aujourd'hui il est difficile que je me lasse grâce à ce dynamisme jamais vu auparavant dans un jeu (toujours en tenant compte de son époque). Peut-être un peu en répétant différents runs, mais le fait d'y jouer sur différents supports aide aussi à ne pas se lasser réellement. Je possède la version originale Game Cube que j'avais achetée dès le jour de son lancement, la version PS2 ainsi que les versions HD PS3 & PS4 (en boîte pour cette dernière). De fait, l'ambiance contribue surtout au plaisir de jeu et d'exploration, au détriment de la narration laissée au second plan.
Place au point le plus important : le gameplay. Oubliez les caméras fixes en vue 2D précalculée ou en 3D, RE4 opte pour une caméra en vue à la 3ème personne flottant au-dessus de l'épaule droite du personnage mais montrant une bonne portion du personnage. Un TPS caméra à l'épaule pour résumer, et un genre qui s'est développé en masse par la suite en s'inspirant de RE4, l'ayant popularisé. Cette approche conduit forcément à de l'action plus présente que dans les volets antérieurs. Il faut dire que les ennemis sont plus nombreux et intelligents malgré leur apparence humaine trompeuse abritant les parasites Las Plagas. Les zones ouvertes se prêtent très bien aux multiples séquences de jeu dynamiques. Les environnements extérieurs étant favorisés dans la section du Village, tandis que dans la section du Château on aura droit à des zones intérieures majoritairement (de mon point de vue les plus réussies artistiquement et visuellement), et enfin l'Île qui est un mélange d'environnements intérieurs et extérieurs.
Le fait de pouvoir viser n'importe quelle partie du corps pour ajouter une approche stratégique a été très jouissif pour moi dès le départ. En visant la tête, on étourdit l'ennemi et on peut l'enchaîner avec un coup de pied retourné pour le renverser et augmenter les dégâts. Ces actions de corps-à.corps sont particulièrement efficaces en vue d'économiser des munitions. Viser un bras ou une épaule de l'ennemi peut lui faire lâcher son arme, une jambe pour le mettre en position de faiblesse. Tirer sur les ennemis quand ils courent les font tomber en général. J'avais rapidement exploité toutes sortes d'ouvertures pour exploiter les différentes failles et subtilités. Mêler corps-à-corps aux tirs sur un ennemi sonné porte ses fruits. Et s'il est vrai que vos assaillants (majoritairement des infectés appelés Ganados) laissent presque toujours du loot à leur mort et que les munitions abondent en raison du côté action mis en avant, il est conseillé de les frapper quand cela est possible. En plus, cela permet de se frayer un chemin ou une ouverture, et de repousser d'autres ennemis humanoïdes ou infectés dans le tas avec un effet domino. Les approches stratégiques ne manquent pas ! Et que dire des boss qui réclameront de leur tirer dans certaines parties du corps pour les battre efficacement. Les ennemis font preuve d'une certaine intelligence collective en cherchant à vous tendre des embuscades, vous acculer, vous bloquer des accès importants, etc. Certains vous attraperont par derrière, vous laissant à la merci des opposants qui vous font face. À cela s'ajoutent des pièges retors, il faudra donc garder les yeux bien ouverts.
Resident Evil 4 nous fait ressentir l'horreur sous des traits humains pour renverser un peu la tendance jusqu'à alors. Mais ce n'est pas vraiment de la peur. C'est plutôt une sorte de stress s'intensifiant à mesure que les ennemis jouent avec vous. Ajoutons à cela un ennemi particulièrement dangereux et parmi les plus intéressants : le Dr Salvador. Un ganados portant un sac de patates sur la tête dû aux mutilations horribles qu'a subi son visage, et armé d'une tronçonneuse pouvant vous décapiter. Le bougre est d'ailleurs très résistant aux balles et l'occasion de rencontrer deux de ses cousines équipées également de tronçonneuses ne manquera pas. Des ennemis et sous-boss redoutables qui ajoutent plus de tension que ne procure déjà le titre.
Fort heureusement, les Ganados ne représentent pas à eux seuls le bestiaire, mais le plus gros avec pas mal de skins. Il y a d'autres créatures, bien plus monstrueuses, qui viennent étoffer le bestiaire qui se veut plutôt généreux dans cet épisode. Il ne sera pas rare de voir des plagas émerger de leurs hôtes une fois ces derniers affaiblis, révélant ainsi leurs formes grotesques et monstrueuses. Pour la première fois, on y trouve des ennemis invisibles (ou presque) du côté des Novistadors, sortes d'insectes mutants chassant en groupe. Mais les monstres les plus intéressants restent à n'en pas douter les Regeneradors. Comme leur nom le suggère, ils ont la possibilité de se régénérer et reconstituer leurs membres perdus. Il est possible de les avoir à l'usure en visant des points précis, mais rien de tel qu'une lunette de vision thermique couplée à un fusil sniper pour abattre directement leurs petits parasites que renferment leur corps afin de les occire plus rapidement et sans trop dépenser de balles.
Les boss ont, pour la plupart, des tailles démesurées pouvant les qualifier de géants. On se souviendra longtemps du monstre Del Lago dont le dicton "méfie-toi de l'eau qui dort" n'a jamais été aussi vrai, ou encore de El Gigante rappelant les trolls de Lord of the Rings.
On peut dire que Biohazard 4 a marqué un avant et un après, tant dans l'histoire du jeu vidéo que dans la saga à laquelle il appartient. Pour autant, c'est un jeu qui peut diviser de part son parti pris versant beaucoup dans l'action et laissant de côté la dimension survie plus calme de ses anciens frères. Pour cette raison, il aura aussi été le premier Resident Evil de plein de gens qui ne connaissaient pas la série ou ne s'y étaient pas intéressés jusque-là. Nouvelle histoire et nouveau gameplay rencontrent nouveau public. Mais il ne faut pas s'y tromper ! Resident Evil 4 n'est pas un simple jeu d'action bête et méchant avec juste un ton horreur, loin de là. C'est à la fois un jeu d'action et d'aventure avec du survival horror bien présent ! Il y a de l'exploration, de la recherche d'indices et d'objets-clefs pour progresser, de nombreuses énigmes à résoudre. Ces dernières n'ont rien de franchement compliqué et certaines restent bien recherchées dans leur design, mais permettent d'équilibrer entre phases d'action, survie et exploration. En parlant de survie, elle est très présente notamment grâce aux innombrables QTE qui parsèment les différents chapitres du jeu, de manière agitée. Premier RE à introduire les séquences d'actions contextuelles pour éviter que votre perso meurt la plupart du temps ou ne soit blessé. Deux choix de boutons à presser simultanément, soit deux touches précises, soit les gâchettes du pad. Parfois, il s'agit de spammer la touche d'action pour se sortir d'un bourbier.
En résulte une aventure éprouvante mais hautement satisfaisante car entre diverses séquences de QTE, le tout reste assez bien équilibré entre exploration, énigmes, survie et achats. En effet, on peut effectuer des achats auprès d'un marchand que l'on rencontre à différents endroits, son stock se renouvelant et s'enrichissant à mesure que l'on progresse. On peut faire affaire avec en lui revendant différents trésors que vous avez trouvés, dont certains sont parfois désolidarisés mais leur valeur décuplée quand toutes les pièces sont assemblées. La chasse aux trésors est un de mes passe-temps favoris dans ce jeu. J'ai trouvé la customisation des armes addictive et poussée pour l'époque, avec des caractéristiques sur chaque arme, ça donne un petit côté RPG. En parlant d'armes, il est un peu dommage qu'on ne puisse pas se déplacer tout en tirant, restant ainsi dans la même situation de rigidité par rapport aux anciens RE. Mais pour 2005, cela reste pardonnable. Je trouve en revanche que les portages HD, auraient pu bénéficier de cette feature. Et enfin, le fait de pouvoir organiser ses objets dans sa malette représentant l'inventaire est une idée ingénieuse pour l'époque selon moi, avec en prime un côté Tetris pour bien ranger/organiser.
Un parcours du combattant, voilà comment pourrait se résumer Biohazard 4. Chapitré en 5 segments contenant chacun des sous-chapitres, c'est une mission de longue haleine qui vous attend. Les machines à écrire font leur retour mais nul besoin d'utiliser les fameux rubans, on peut les utiliser à volonté, d'autant que jeu vous invite à enregistrer la progression à chaque sous-chapitre terminé. On gagnait déjà en accessibilité en ce temps-là, et le découpage en chapitres ne nuisait en aucun cas à l'immersion. Je tire surtout mon chapeau pour cette prouesse d'en faire une aventure relativement longue et chapitrée mais qui ne lasse guère, gardant toujours le même rythme endiablé et péchu du début à la fin. D'ailleurs, la bande sonore s'adapte à ce rythme et participe grandement à la tension et au stress que dégage l'atmosphère, mais elle sait aussi se faire plus mystérieuse et discrète dans les phases précédant le calme avant la tempête. En effet, si l'infiltration est très anecdotique et possible dans une certaine mesure dans quelques zones, la musique s'adapte et se joue ambiante même dans certaines phases de combat contre les Ganados. Il y aura des thèmes plus stressants et macabres, appuyant le danger que représentent Las Plagas et la secte Los Iluminados. Parfois même, en phase avec la religion qui est un thème peu ou prou traité dans RE4 et qui apporte une nouvelle dimension à la série. Les thèmes de boss sont inquiétants, pas toujours hautement audibles car ce n'est pas nécessaire pour insipirer un danger, mais tantôt les notes s'intensifient par moments et accompagnent les mutations des monstres. En bref, l'OST donne du punch et s'adapte tout au long de l'aventure. Et cela fonctionne dans l'ambiance générale, même lorsqu'on traverse des zones dépourvues de musiques comme c'était le cas dans les anciens jeux de la série. De classique, RE4 garde même son propre thème musical de la salle de sauvegarde où vous pourrez faire une pause et souffler en toute quiétude.
Les voix des Ganados ont l'originalité d'être en espagnol, langue parlée dans la région du jeu. Un espagnol parfois ancien et peu courant, mais parfaitement intégré et pouvant vous donner des sueurs froides durant les nombreuses embuscades. Ou alors vous faire rire, car certaines répliques valent le détour ! Il y a pas mal d'expressions sentant à plein nez la menace constante de vous tuer. C'est là qu'on voit à quel point les parasites rendent les humains infectés intelligents et diaboliques. Oui, diabolique me parait un adjectif adéquat car parfois on a l'impression que nos ennemis sont possédés par le diable en personne. Pas la peine de les exorciser, les voix et les effets sonores qu'ils produisent font très bien leurs affaires. Je regrette que ces phrases marquantes issues de la langue des autochtones ennemis soient de moins en moins présentes dans RE5 et RE6.
Le réalisme s'en retrouve toujours un peu plus poussé avec les sons stridents et grinçant du fer, de l'acier et du métal entre autres matériaux. Le déclenchement des pièges, les griffes des Garradors se plantant sur les murs, le rechargement des armes à feu... Encore une fois, c'était poussé pour l'époque. Par contre, les "Help me Leeeooon !!!" et autres exclamations de Ashley sont devenues comme une torture à mes oreilles, et probablement à celles de moulte personnes. Heureusement que le rythme frénétique de l'aventure nous fait vite oublier cela !
De l'ambition émane de ce 4ème opus. On sent vraiment les moyens derrière pour un jeu qui a, au moment où j'écris ces lignes, 17 ans. Pourvu d'un travail graphique plus que sublime, RE4 brille grâce à la qualité de ses environnements ouverts où des soins d'éclairage et de luminosité ont été apportés selon les moments diurnes et nocturnes. On le voit déjà dans le Village, où jamais le backtracking n'aura été aussi plaisant à faire quand on revisite de nuit des zones qu'on avait explorées de jour quelques heures auparavant. De prime abord rustique et campagnard, le village pose les bases et permet de se familiariser avec les environnements ouverts et les mécaniques du jeu. J'ai bien insisté sur le fait que le jeu a principalement pour vocation de stresser le joueur et de le mettre constamment en tension, laissant de côté la peur et les jumpscares qui étaient monnaie courante dans les anciens épisodes. Nonobstant, il y a quand même une certaine notion de peur qui naît durant les passages de nuit, le brouillard réduisant la visibilité et les flambeaux allumés avec de somptueux effets de flammes y contribuant. Ce n'est certes pas la même peur qu'ont su instaurer ses prédécesseurs, mais RE4 parvient à dégager quelque chose de terrifiant dans son ambiance. Les environnements fourmillent de détails et la modélisation des ennemis les rend réalistes et dangereux, même si la physique n'est pas toujours crédible mais le jeu date de 2005 après tout. L'animation vivace des mobs reste en tout cas saisissante. Un grand pas a été fait sur ce 4ème opus.
Le rendu visuel est une montée progressive en puissance, atteignant son apogée dans la zone du Château. C'est, comme je l'ai déjà dit, la zone la plus soignée et celle qui fourmille le plus de détails. Magnifique en tout point ! En plus du fait que ça soit la plus longue portion du jeu, je m'y été attardé longuement rien que pour le plaisir des yeux quand je le découvris pour la première fois. Pour la suite, il y a l'Île qui se veut plus vide et moins aboutie techniquement en comparaison, mais qui n'en reste pas moins glaçante et terrifiante avec sa propre ambiance. Il y a des détails notamment dans les installations de laboratoire et à certains endroits de l'usine, le tout baignant dans une palette de couleurs froides nous isolant du reste du monde.
La version Game Cube est de loin meilleure que la version PS2, principalement au niveau des graphismes. Elle restera ma préférée malgré l'absence de l'extension Separe Ways où l'on incarne Ada. Cette aventure suit les traces de l'espionne en parallèle du parcours de Leon, et permet de suivre les actions de ce dernier du point de vue interne de la belle Ada, ajoutant un complément intéressant à RE4. Bien plus que Assignment Ada qui n'apporte rien au lore, juste un mini-jeu sympa sans prétention aucune. Je trouve dommage que cette extension se boucle rapidement. On en fait le tour en 4-5 heures environ. Doubler cette durée en étoffant le contenu n'aurait pas été du luxe. Surtout qu'on y affronte des variantes de boss, résout quelques énigmes nouvelles et prend plaisir à utiliser le grappin reflétant l'agilité et les habiletés du papillon écarlate. J'avais bien aimé avec cette petite touche "James Bond Girl", n'empêche.
À propos de mini-jeu, le mode Mercenaries fait son retour ici. Apparu à l'origine dans l'excellent mode Operation Mad Jackal de Resident Evil 3 Nemesis, le mode Mercenaries n'a pas trop changé dans son principe si ce n'est qu'on n'a pas plus d'otages à sauver. Ici, il faudra éliminer un max de mobs et les enchaîner avec des combos tout en cassant les sabliers épars dans les maps pour ajouter du temps au compteur, dans le but de faire un gros score. À noter l'apparition d'une map inédite et d'une version largement améliorée du Dr Salvador, apparaissant après avoir tué un certain nombre d'ennemis. On ne renouvelle pas trop la formule, mais un mode Mercenaires en full 3D caméra à l'épaule avec des hordes d'infectés et quelques sous-boss à abattre, il faut bien reconnaître que c'est jouissif. J'y avais passé pas mal de temps, surtout lorsque je découvris le titre à sa sortie.
RE à l'aube du changement, le 4 restera à jamais marquant quoi qu'on en dise. On regrettera son histoire à part et creuse, prétexte à un nouveau départ pour la série. Le jeu trouve un équilibre parfait entre action et survival horror, tandis que son rythme et sa durée de vie promettent de longues heures de jeu en perspective. Aujourd'hui encore, il reste une œuvre d'art vidéoludique. Même si tout n'est pas parfait, Shinji Mikami signe là son dernier RE et la fin d'une époque avec brio.
Mes notes (x3) pour les différentes versions :
8,5/10 pour la version GC (+ pour les graphismes, - pour Separate Ways absent).
8,5/10 pour la version PS2 (- pour les graphismes, + pour l'ajout de Separate Ways).
7,5/10 pour les versions HD (la faute à des portages fainéants et ne possédant pas de platine).